- aux frontières du Sabbat

L’œil, la main, la bouche

si tu as des mots à dire, il faudrait me les dire maintenant, tout de suite
mais si tu ne veux pas me les dire maintenant, tout de suite
tu pourras me les dire plus tard, une autre fois

et puis si tu as des mots à lire, il faudrait me les montrer maintenant, tout de suite
mais aussi tu pourras me les montrer un autre moment, plus tard

en fait tu peux tout aussi bien être, que disparaître
tout en restant présente, et insupportablement distante
il y a un atlantique de nouveau, pour assurer la séparation
plus la cordillère des Andes, n'en parlons même pas
plus l'équateur...

je t'imagine au pied de l'immeuble
ici même, à Antofagasta, cherchant à me voir
mais tu n'es pas au pied de l'immeuble, tu n'en as même pas l'adresse
alors je serre cet oreiller, comme je t'ai serrée, comme je t'aurais serrée si j'avais pu encore
et repense au contact de nos peaux et la préhension de mes mains sur ton corps
puis convoque l'imaginaire et décide que oui, tu es là au pied de l'immeuble cherchant à me voir, et moi oui je peux te voir, d'ailleurs je te vois, il n'y a pas besoin d'immeuble pour utiliser son œil
il suffit d'être un peu, et de vouloir beaucoup

ainsi continue mon délire très loin de cette réserve un peu froide qu'il faut, qu'il faudrait?, de la méfiance des hommes qui restera après que tout le monde aura disparu, la méfiance tout elle, rien qu'elle, et l'absence, saloperie incurable.