- aux frontières du Sabbat

Allons

allons allons
partons, disparaissons
filons sans retour
prends tes affaires, vide ta valise, jette le tout
fais un tas de ça, puis de tout le reste, vlan
un tas pour se coucher dessus, et baiser!, baisons!, enfilons enfin des perles, des rêves, des cris à outrance, des trucs qu’on ose pas dire, par là où il faut pas, en riant bons derniers, comme des chiars d’une bonne blague
le monde est là, tout entier, nôtre
mais... ah. tu viens pas ?
le monde et moi, tout entier, seul
dans les draps frais de ce lit d’hôtel
froissi de rêves en débandade
je me concentre sur mon fantasme
tente la fuite du plaisir solitaire
mais la fenêtre claque
alors je m’endors, perdu tout entier.

Gisèle, poitrine éternelle

Gisèle, septante années vaillantes, se demanda diable ce qu’elle faisait là. 
«Que fais-je fais dans cette gare centrale ?», se dit-elle. 
Premier individu à occuper les lieux, quand bien même malgré soi, après l’omnipotent prénom personnel, elle chercha un moment parmi les mots-clefs l’un ou l’autre qui fasse écho, explique ou justifie sa présence. Cria «Eho !» cinq fois, provoquant quinze échos qui sonnèrent en canon dans la cathédrale virtuelle. Chaque écho d’origine revenant atténué de 2 dB, du fait des paramètres du blog laissé par défaut. 

L’auteur pensa qu’il se voilait tout puissant - «me voilà tout puissant» disait la pensée avant transposition aléatoire, et elle recomptait pour elle-même :
   petit a/ l’univers de ma perception
   petit b/ un être de chair et sang
donc deux. Pas mal ! 

Après l’amortissement asymptotique des échos régnait encore la question de Gisèle, magnifiée par le silence. Ainsi que Gisèle, bien sûr -qui d’autre?- bien qu’elle-même ne régna dans cet espace que sur l’espace propre de sa personne. Et ce règne est parfois fragile, équilibre précaire d’angoisse et de doute que chacun dose à sa manière. Fifty/fifty font certains, quand d’autres varient les mélanges, tentent une sinusoïde, vont par les extrêmes... 

L’auteur murmura alors en voix off, «je l’ai choisie pour sa poitrine», mais on entendit rien, car il s’agissait d’un off objectif, coupé au montage. Et de fait, les deux mamelles de Giselle régnaient en maîtres sur l’espace et la gravité, indiscutablement, malgré leur âge et la faible lumière tombant des voûtes. 
Ces alpha et oméga que tout l’univers avait palpé, caressé, et ceux qui n’avaient pu ni palper ni caresser, car ils n’étaient pas nés, car ils étaient retenus au travail, ou en voyage, ou pour raison médicale, ou déjà morts!, ceux-là avaient le regard figé. Et on voyait dans leurs orbites écarquillés le reflet des deux loches, soit quatre seins par paire d’yeux qui à l’inverse de l’écho amplifiaient leur magnificence. 

A ces deux univers là, ces hordes de mains palpeuses et monceaux d’yeux rougis par l’effort, «bonjour», dit l’auteur, ce coup-ci à voix haute. Mais dans cette foule autrement plus dense que la Saint-Lazare du lundi matin 8h30 un jour de rentrée, Gisèle ne sut dire si elle avait distingué un mot la concernant. 
Car alors cette gare, peuplée d’imaginaire, d’une foule de reflet de seins, de mains tendues en veux-tu en voilà, et d’une femme nue à la splendide poitrine, cette gare était devenue un impossible capharnaüm bruissant de mille rumeurs.
Aux seins de Gisèle. 
Au peuple de la terre. 
La gare, enfin bondée, reconnaissante. 


Au recensement de l’année suivante un panneau fut inauguré à grand frais.
La cohorte ayant disparu en marmonnant dès le premier soir j’ai piscine, je reviens dans cinq minutes, après que Gisèle avait enfilé un soutient-gorge en laine jaune (soirée bien fraîche de mémoire de blog), il indique : «Gare Centrale, 1 hab.». 
Gisèle tourne autour, depuis longtemps maintenant, que faire d'autre?, un an déjà ! Elle piétine un peu à la longue. 

La passion de son pas, ou ce qu’il en reste, ou peut-être la pression sous ses semelles, qu’on pourra sans nul doute mettre en rapport avec le poids d’une de ses loloches multiplié par deux et quelques et divisé par la surface d'un pied, ou encore sera-ce la piètre qualité du revêtement de sol, ou disons finalement quelque habile combinaison de tout ça et quelques autres choses : tout ça et quelques ont creusé un sillon d’une circularité remarquable. On voudrait croire au chemin d’un âne de bât, cependant la comparaison est datée avant d’être fort irrévérencieuse, surtout rapport à une dame, de surcroît la seule en présence. D’ailleurs, quel âge avez-vous pour savoir des fontaines à traction animale ? Et qui êtes-vous, d’abord ? Non mais bordel, c’est une gare privée ici, alors cassez-vous avec vos croirances à la con, remballez-moi ces commentaires à venir, du balais. 
Mais bref, imaginez un tronc-sillon-torique régulier : en termes formels, c’est plutôt de cela qu'il s'agit. Si vous étiez quelque curieux technophile on aurait évoqué un chemin de roulement avec des sanglots dans la voix, avant d’aborder les mérites comparés des calendriers Pirelli et Michelin. Rapidement tombés d’accord sur le cumul des arguments morphologiques de l’un nous nous serions juré amitié éternelle, scellant cette connivence bien méritée comme il se doigt, d’un high five ou quelque autre gestuelle absurde, exubérante ou ridicule propre aux gens cool que si vous ne connaissez vraiment pas, on se demande. Mais bon. 
Enlève ton soutif, Gisèle. C’est une gare irrespectable. 
On voulait des seins. En voilà deux.
Merci.

Je veux plus


Comme dans un lit chaud et humide
tu mets tes doigts secs et froids sous les couvertures.
Elles sentent le vin cuit par ta bouche sèche.
Le vin, dans la cuisine, que nous n’avons pas fini. Et tu t’en vas déjà.
Comme quand tu parlais de celui qui avait eut un accident de voiture. Il n’est pas mort. Ou si peut-être. Déjà mort. Je voulais le revoir, et c’était trop tard. Trop tard pour le suivre. Trop tard pour lui dire qu’il a raté sa vie. 
Et tu allumes cette fille. joie. un coup de téléphone retentit dans ma tête. et ça lui jette une bouffé d’air frais. l’eau. le bain. la piscine. 
Plus tard j’écrirai sur ta peau. 
Dans la nuit. J’ai trop dormi dans les boites de nuit. Tu donnes ta clef. Voisine. Et ton café. Et les gens. Pierre. Pierre. Tu t’en vas. Tu t’en vas. Pierre. 
Partir dans la mer mère. amer. amertume. amarrer. marécages. lenteur. la lenteur du vide. Sans toi. Dans la rue. Vite. Se retourner. Partir. Savourer; Boire du vin. Sans toi. 
Se réveiller dans tes bras. froids. secs et froids. écouter son cœur. sans cœur. pas. pas avant. en traversée. la vie. sans. sens. la pluie. Paris. gris. froid. vent. vin. sans. rien. inondation. 
Suffoquer. Aérer l’appartement. 
Comme dans un rêve. les yeux fermés. les paupières se perdent dans un champs d’amour. jamais apprécié par celui qui le reçoit. et pourquoi. ça ne sert à rien. 
Foutre. fondre. foutra. faudra. lui dire. rien. Tout est dit. 
Et je te regarde. 
Et je regarde cette rue. 
Et les gens. où vont-ils ? ces gens ? et nous ? et toi ? et moi ? 
Partir en voyage dans ta baignoire. poison. partir. le rejoindre. et puis. plus rien. 
Rien. Rien. 


Il n’y a plus de bon-jour pour toi,
qu’une succession de présents,
une addition de distances par appuis répétés sur la touche plus, plus, je veux plus.
Mais il n’y a plus plus rien que la vacance. Le pubis rose et lisse, comme rebouché d’un ange. Reste cependant : quelque chose. Une tension. Le sexe sublimé, obsession érotique, j’imagine enfoncer une collection d’objets dans ton plus intime. Insérer sans cesse. 
Ton sexe, enfin rendu solaire, seul interlocuteur de ces pensées récursives. Ton sexe parle, mes pensées grondent, dialogue en crescendo assourdissant, sans limite que le cri final, ou la rupture tout court, blocage complet de l’obsession....

L'usage qu'on peut du monde

Le monde à l’usage, pfff !
Je dis pas, hein, que... Non ! La vie est gouzy gouzy, super glop. Et quand le carbu fait mine de... un coup de tanne, un putain de coup à déchausser les dents, vlan ! et le moteur repart. Ça marche tout seul. Gouzy, on vous dit.
A l’usage quelques litres d’alcool, c’est le conseil du toubib. Il m’a dit, tel quel : bois! bois! boit! buvez! buvons! boivent! avant de s’enfermer dans son office avec sa réserve, plus mon flasque à whisky. Mon flasque ! 
Celui-là même, payé avec les sous du contribuant, la sueur boisée de mes aisselles, la maille de mes ancêtres. Putain de toubib. Obligé de trinquer à mes frais, et cependant, je maintiens : la vie est gouzy. 

A l’usure, le monde, cependant... 
Simple question de tribologie : la vie en se frottant au monde subit une force tangentielle opposée à son mouvement. Aussi à l’usage, le monde produit-il chaleur et lumière, au gré de variations de niveaux d’énergie électronique des atomes de surface. Inutile d’être normal pour en débiter de telles, c’est dans les livres, avec des images, sans jamais un mensonge. 
Mais ce n’est pas tout. A force de tribologer gaiement tout ce beau monde : il s’use. Et l’usager ? Pire encore ! Y laisse son épiderme, son derme, bientôt ce n’est plus que chair et os à nu traversant l’Asie Centrale dans une Topolino poussive ! Ah, notre fier explorateur ! Fier et nu, rouge sanglant, regardez-le !

Voilà comment, voilà pourquoi, sont venues les idées. 
Celle du Trinitron 21‘‘, d’abord. Chers ingénieurs, bien intentionnés, visant l’arrêt de l’homme pour en réduire l’usure. Celle des gants-genouillères en Kevlar (r), dans cet ordre ou un autre, quelle importance ? L’homme, trop content d’ajouter une couche à sa panoplie, ajoute, ajoute. Il peut enfin frotter sans usure... 
Ajoutez l’alcool, lubrifiant universel. 
Et la cyprine, lubrifiant naturel. 
Tout est bon pour réduire notre coefficient de frottement, augmenter l’ennui, allonger la vie. Dans ces restes d’existence, tout est rapport. Tout est sexuel. Abstinence ou rapport monnayé, usage du monde, usure du nombre, chers usagers, chères usagères du monde. Zagères du monde. Chers du monde. Merci. 
Et les réseaux. Et les décors. Merci aussi. 
Vous pouvez vous lever et partir.
Prenez garde à ne pas rêver trop fort.