- aux frontières du Sabbat

L'amitié a bon dos

Voilà un pivot.
La fin d’année approche.

Le dernier voyage rangé dans l’onglet décembre, il n’y a plus qu’à attendre la chute.
Nous voilà dans une chambre anonyme, drôle d'endroit. Au bord du coït. L’étreinte est là, toute proche, dans les corps, dans les regards...
Debout face au vent, arc-bouté à l’entrée de ce sexe offert, je fait des nan, nan, naaan, et tente un 'vive l’amitié', priant pour échapper au désastre. Elle a une composition du visage qui répond, très bien, sans marquer de rancoeur excessive, un truc limite louche, mais un peu rassurant.
Seulement, ses yeux. Ses yeux continuent de briller. Irradient de promesse...

Je passe rapidement en revue les différents positions, cherchant celle que le manque de désir n’oblitérerait pas. Lui proposer une verge amicale, sans troussage ? Boire beaucoup, laisser venir ? Baiser n’est tout de même pas aussi dur qu’écrire !

Doucement excité par les premières idées, je pense au corps que ces vilaines étoffes de service pourraient dévoiler, et flippe un peu. Les stigmates d’une mort passée tout prêt, qui reviendra. L’embarras anticipé. On avait trinqué au désir, ouais. J’imagine.
Le désir. Désir de fuir, désir de défaire l’écheveau absurde qui m’a amené là.

Etrangement, je pense à Olivier dans cet échange. Je pense à tous les hommes, à toutes les verges tendues dans tous ces cons aimables, et regarde mon amie. Ma pauvre amie.
Bien, mais que faire ?
Ces vêtements, cet abandon, tout concourt à décrédibiliser notre petit intercourse. Le coup était foutu d'entrée. N’importe quel connard à peine pubère aurait pu le constater, et bien inspiré m’aurait poussé sur le côté pour ouvrir clairvoie et...
«Qu’est-ce que je fais de toi, un amant, un ami ?»
Vent debout...

Contre le désir. Contre l’idée reçue. Contre la situation.
J’ai écrasé mon sourire le plus gêné et imploré, 'non'..., merci, vraiment.

Egoïst Palace

Bienvenue à Chernivtsi, adorable bourgade du sud-ouest Ukrainien. Nous voilà accoudés à un comptoir du disco, car il faut bien se mettre le coude quelque part, pauvre apppendice un peu moche, pas bien utile. Le coude. Meilleur ami de l'alcoolique.
Boum boum boum, flash et lumières variées : ici il y en a dans tous les sens, pour tous les sens.

Ce disco est un complexe infernal. Ancienne usine réaffectée au procédé de transformation de bière et vodka en mictions variées, on y décline tous les superlatifs du socialisme flamboyant. Ça pisse à tout va, ne manque que la statue du pisseur, j'imagine un immense Maneken-Piss de bronze, tout en muscles, faucille dans une main, lourde verge dans l'autre, une belle mare à ses pieds...
Alors on boit. Puis on pisse. Assis, debouts, accroupis, mains lavées, sales, prépuces décalottés -le tout dans une ambiance assourdissante-, rien que la variété des possibles m'enivre presque. Et je pense à ces ruisseaux d'urine odorante qui se déversent dans les canalisations...

Ce disco, c'est l'Egoist Palace. 6 billards, 2 pistes de bowling, karaoke, dancing, lounge bar et combien, combien de cheveux sur ces têtes, de litres de sueur sur ces grands corps étranges et nus...
Chacun seul au bar, abandonné à ses divagations, laisse glisser ses yeux sur la salle.

Mister B. commande la deuxième bouteille de vodka.
Après, je ne sais plus...
Au réveil : la patex, toutes les fringues, le canapé inconnu et une migraine d'enfer, c'est le TIU hostel, où on croise misteur A., juif antisémite et grand amateur de Céline. 
A ce moment c'est déjà la deuxième frontière du sabbat, l'ambition n'en est que mal définie et le titre encore perdu dans les limbes. 


Alors que cahin caha je gambergeais le comment raconter, sans tuer personne, sans rentrer à Paris, sans confier à la garce, tout ça tournait tournait, et le temps ne se prive pas, il passe et repasse nerveusement derrière moi en tapant fort ses pieds sur le sol.
Les échéances ne sont pas discrètes non plus.

Un jour, il faut écrire. Ne rien se ménager. Finir la vodka. Aller de l'avant.